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APRES 1962 : NOUVELLES RECHERCHES, NOUVEAUX COMBATS

A la fin de la guerre d’Algérie, même si elle continue de rester attentive au sort de ce pays et chaleureusement liée à ceux qu’elle y a connus, même si l’Algérie, présente et passée est le thème de plusieurs de ses articles (lettres ouvertes à Simone de Beauvoir, au général Massu…) et des livres qu’elle prépare, Germaine Tillion va consacrer les premières quinze années de cette période - de ses 55 ans à 70 ans - à l’enseignement qu’elle dispense depuis l’année universitaire 1957-58 jusqu’en 1980 et aux recherches de terrain qui alimentent son enseignement et ses livres. Chaque année en effet, jusqu’en 1974, accompagnée de quelques étudiants auxquels elle permet ainsi de faire leur première expérience de terrain, elle accomplit de longues missions scientifiques au sud de la Méditerranée, le plus souvent au Sahara, en pays touareg ou maure.

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A l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, VIème section (qui deviendra en 1972 l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales), sa Direction d’études, d’abord intitulée « Ethnographie du Maghreb », puis « Ethnologie arabo-berbère », attire un public concerné à un titre ou à un autre par le Maghreb dont plus de la moitié des étudiants sont originaires. « Sans complexe aucun, elle traite d’égal à égal avec ses étudiants comme avec les plus hauts personnages de l’Etat : de chacun elle sent et extrait le meilleur, et c’est merveille de l’observer recevoir des étudiants- chercheurs en quête de leur vocation ».(Denise Vernay, Esprit, février 2000, p.159).

L’exposé de leurs recherches, entreprises en vue d’un mémoire, ou d’une thèse de troisième cycle, enrichit les cours qui, d’une année sur l’autre abordent des thèmes récurrents : les systèmes de parenté confrontant le vécu avec la représentation que s’en font les autochtones et celles des théories anthropologiques -l’accent étant mis, au fur et à mesure de l’avancement des enquêtes de terrain, sur les oppositions existant dans une même aire culturelle entre le nord et le sud du Sahara, par exemple sur le statut et la condition des femmes-, la vie matérielle sous ses aspects les plus concrets depuis les contrats de travail, les systèmes paysans de mesure, la production et la gestion des ressources alimentaires, les castes et l’esclavage, les crimes d’honneur… et la vie imaginaire, notamment celle qui s’exprime à travers les contes.

Ce dernier thème la conduit à créer, en 1963, une équipe de recherche (coopérative sur programme), la RCP 43 qui deviendra, en 1972, l’Equipe de recherche associée 357 relevant du CNRS et dans laquelle des chercheurs confirmés, ethnologues et linguistes, se retrouvent autour de Germaine Tillion pour étudier la littérature orale arabo-berbère. Le bulletin du LOAB consignera les travaux de cette équipe. La publication en sera poursuivie par Camille Lacoste Dujardin qui, en 1977, succède à Germaine Tillion comme directeur de recherches.

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Mais son travail universitaire ne retranche pas Germaine Tillion des problèmes concrets. Elle s’exprime aussi sur l’actualité dans de nombreux articles de presse ou de revues. Elle est invitée en 1992 à Moscou par les survivants du Goulag. Elle assume des responsabilités dans plusieurs organisations et mouvements au service des migrants, des minorités, des exclus en France et dans le monde. Jusqu’à ces toutes dernières années, en 2000, où elle signera l’appel lancé pour que soit reconnue et condamnée officiellement la pratique de la torture pendant la guerre d’Algérie.

La Bretagne, à partir de 1966, devient un autre pôle de sa vie. Elle y séjourne durant ses vacances. Elle s’y donne la compagnie de chiens qui avaient été à ses côtés depuis sa petite enfance jusqu’à la fracture de la guerre. A partir de sa retraite, elle passe des périodes de plus en plus longues dans la propriété dont elle a fait un lieu de rencontres pour ses nombreux amis et ses étudiants et qu’elle a aujourd’hui cédée au Conservatoire du Littoral. Elle a arraché à une lande aride un parc jardin qu’elle cultive avec passion et méthode; profusion d’arbres et de fleurs, de fruits et de légumes, pour le plaisir des yeux et pour l’excellente table qu’elle offre à ses hôtes. C’est aussi le lieu de réflexion où s’élaborent lentement, dans un travail approfondi d’écriture, les livres dont la publication s’échelonnera sur quarante années.

Le premier sera Le harem et les cousins (1966), ouvrage de référence sur la condition des femmes dans le bassin méditerranéen, analysée dans la longue durée, loin des clichés habituels.

 

Il a été traduit dans plusieurs langues, dont les dernières en date sont l’arabe, le turc, le coréen et bientôt l’italien. 

 

Suivront à quinze années de distance, en 1973 et en 1988, deux nouvelles éditions, à chaque fois enrichies et remaniées, de Ravensbrück, où elle analyse le monde concentrationnaire nazi.

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Puis, entre 2000 et 2005, sortent cinq nouveaux livres :

- un choix de ses articles dans A la recherche du vrai et du juste et A propos rompus avec le siècle,

- Il était une fois l’ethnographie et L’Algérie aurésienne qui l’un et l’autre se référent aux recherches que Tillion a menées soixante cinq ans plus tôt dans les Aurès,

- sur la période de la guerre d’Algérie, une nouvelle édition, enrichie de nombreux documents inédits, de Les ennemis complémentaires,

- enfin, l’opérette revue écrite à grands risques au camp de Ravensbrück et conservée soixante ans dans ses archives, Le Verfügbar aux Enfers.

Ces publications lui valent l’intérêt du public et des média : nombreux articles de presse, émissions de radio, de télévision, films, conférences, pièces de théâtre, expositions. Elle est le sujet de plusieurs biographies; des universitaires étudient son oeuvre.

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Par l’intermédiaire de l’Association Germaine Tillion, elle fait don de ses archives à la Bibliothèque Nationale de France tandis que ses études et documents sur la déportation sont déposés au Musée de la Résistance et de la déportation de Besançon (Fonds Germaine Tillion). Elle est distinguée par de nombreux prix et les plus hautes décorations.

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Germaine TILLION apporta son soutien aux sans-papiers lorsqu’ils occupèrent l'église Saint-Bernard à Paris en 1996 et participa au «collège des médiateurs» aux côtés d'autres anciens résistants, notamment Stéphane Hessel.

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Chez les Touaregs (cliché EG)

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Femmes touarègues du Mali (cliché Erik Guignard)

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